Paulo Fonseca et l’AC Milan, un rêve qui tourne au cauchemar

Choisi pour devenir le nouvel entraîneur de l’AC Milan cet été, Paulo Fonseca a posé ses valises en Lombardie avec pour mission de reprendre le flambeau délaissé par Stefano Pioli après quatre saisons et demie de collaboration plus ou moins fructueuse. Le début d’un nouveau chapitre de l’histoire des Rossoneri, qui ne manque déjà pas de faire beaucoup de bruit de l’autre côté des Alpes.

AC Milan Paulo Fonseca
Pendant la précédente trêve hivernale, Paulo Fonseca est allé au-devant des supporters milanais. Photo : AC Milan

Le 25 mai dernier, l’AC Milan annonçait mettre un terme au contrat de son entraîneur Stefano Pioli, en poste depuis le 8 octobre 2019 et dont le bail s’étendait encore jusqu’en juin 2025. La nouvelle n’est certainement pas passée inaperçue chez nos voisins italiens. Nombreux étaient les tifosi se réjouissant de cette fin de collaboration, qu’ils jugeaient déjà bien trop longue. Une partie plus restreinte des supporters de l’AC Milan, de leur côté, ont fait grise mine à l’annonce de la nouvelle, alors que le club lombard sortait d’un exercice 2023-24 satisfaisant d’un point de vue comptable (2e de Serie A avec 75 points, quarts de finale de Ligue Europa).
Pour comprendre l’impact qu’a eu Stefano Pioli sur l’AC Milan, il faut faire un bond dans le passé et se rappeler de l’état dans lequel figurait le club lombard au moment de la prise de fonction du technicien natif de Parme.

Après Marco Giampaolo…

Le 8 octobre 2019, quelques jours seulement après la victoire durement acquise des Milanais sur la pelouse du Genoa (1-2, J7 Serie A), l’AC Milan de Marco Giampaolo, en poste sur le banc de touche milanais depuis l’été 2019, fait face à l’un des pires débuts de saison de son histoire. Quatre défaites (dont une dans le derby della Madonnina face à l’Inter Milan), trois victoires et une place dans le ventre mou du classement. Un jeu ennuyant, ronronnant, aussi peu efficace offensivement que défensivement, bien loin de celui pratiqué par le FC Barcelone durant sa période dorée, dont Marco Giampaolo avait annoncé s’inspirer dans son approche tactique, dans son pressing et sa philosophie de passes.

Conscient qu’il fallait changer quelque chose, ou quelqu’un, la direction lombarde limoge Giampaolo et fait donc appel aux services de Stefano Pioli, sans club depuis son départ de la Fiorentina en avril 2019. À cette époque, le coach parmesan ne fait pas l’unanimité, lui qui n’est jamais parvenu à s’imposer sur le moindre banc de touche, encore moins lors de ses passages chez des cadors italiens (Lazio Rome entre 2014 et 2016 ; Inter Milan en 2016-17 ; Fiorentina entre 2017 et 2019). Rien ne laissait présager une collaboration réussie entre Stefano Pioli et un AC Milan malade. Et pourtant…

… la fin du cycle Stefano Pioli

AC Milan
Après Giampaolo et Pioli, les tifosi connaissent un nouvel entraîneur en la personne de Paulo Fonseca. Photo : AC Milan

Encore peu convaincant avant la trêve due au Covid-19 entre mars et mai 2020, le club lombard trouve un second souffle à la reprise du championnat, en juin 2020 et enchaîne les 12 dernières rencontres de la saison sans aucune défaite et en pratiquant un football ultra offensif. Un football qui permettra à l’AC Milan de retrouver de la constance dans les résultats, de renouer avec le haut du classement, de rivaliser avec ses grands concurrents d’antan et surtout de soulever son 19e Scudetto en mai 2022, une performance alors inattendue.

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Le début de la fin arrivera lors de l’exercice suivant, lorsque Stefano Pioli ne parviendra plus à motiver ses joueurs par sa vision du jeu et s’illustre avec des onze de départ ratés tout au long de la saison, qui feront perdre de nombreux points à son équipe, seulement 4e à la fin de l’exercice. Malgré un mercato estival 2023 flamboyant, l’AC Milan ne rivalisera jamais avec son rival interiste l’exercice suivant, sacré champion avec 19 points supplémentaires (94 pour l’Inter, 75 pour Milan) et vainqueur des six derniers derbys en date (record co-égalé avec l’AC Milan entre 1910 et 1913 et entre 1946 et 1948). C’est donc dans ce contexte que Paulo Fonseca débarque à Milan, après deux saisons réussies dans le Nord de la France avec le LOSC et l’envie de faire perdurer la culture offensive implantée par Pioli à San Siro.

Une entame de saison catastrophique

Paulo Fonseca - Zlatan AC Milan
Paulo Fonseca aux côtés, notamment, de Zlatan Ibrahimović, conseiller spécial du propriétaire de l’AC Milan. Photo : AC Milan

Tout juste intronisé sur le banc de l’AC Milan, Paulo Fonseca est immédiatement plongé dans le grand bain avec une pré-saison charnière organisée aux Etats-Unis, lors de laquelle les Rossoneri affrontent Manchester City, le Real Madrid et le FC Barcelone en l’espace de dix jours. Un premier test brillamment réussi par le technicien portugais, puisque son équipe, résolument offensive malgré des oppositions de taille, s’impose lors de ces trois rencontres. De quoi faire rêver les tifosi milanais, ravis de voir leur équipe s’imposer avec la manière face à de gros cadors européens lors de cette pré-saison. Mais le retour à la réalité sera brutal pour le club lombard, qui va réaliser un des pires débuts de saison de son histoire…

Premières difficultés pour l’AC Milan de Paulo Fonseca

Après un match nul arraché dans les ultimes instants du match face au Torino lors de la première rencontre de la saison (2-2), les hommes de Paulo Fonseca vont chuter sur la pelouse du promu Parme (2-1) au cours d’une rencontre dominée par les joueurs parmesans. Le week-end suivant, l’AC Milan aura l’occasion de lancer sa saison sur la pelouse de la Lazio Rome, mais va à nouveau décevoir et lutte pour arracher le point du nul (2-2). Au bout de trois matchs, l’AC Milan ne compte que deux petits points au compteur et ne rassure pas dans le jeu, bien au contraire. Quelques semaines seulement après une pré-saison réussie aux Etats-Unis, c’est une équipe milanaise complètement déséquilibrée, en grande difficulté défensivement et appliquant un jeu de possession stérile qui foule les pelouses de Serie A.

Au retour de la trêve internationale de septembre, les Milanais se défont de Venise sans briller (4-0), avant d’une nouvelle fois crouler dès que l’adversité s’élève. Dominés dans l’intensité, mais aussi tactiquement, les joueurs de Paulo Fonseca manquent complètement leur entrée en lice en Ligue des Champions face à Liverpool (1-3). Sans un excellent Mike Maignan dans les cages, le score aurait pu être bien plus lourd en la faveur des Reds de Liverpool, auteurs de 23 tirs, dont 11 cadrés, contre huit tentatives, dont deux cadrées, côté Lombard. Un mois après l’entame de l’exercice, la tête de Paulo Fonseca se retrouve déjà mise à prix de l’autre côté des Alpes, et une nouvelle contre-performance lors du prochain match des Rossoneri pourrait être fatale pour l’entraîneur portugais…

Un derby salvateur

La 5e journée de Serie A, décisive pour la suite de l’aventure de Paulo Fonseca en Lombardie, opposait justement l’AC Milan à son plus grand rival, l’Inter Milan, à l’occasion d’un derby della Madonnina qui s’annonçait bouillant. Conscient que son avenir et sa crédibilité se jouait lors de cette rencontre, le technicien lombard a décidé d’innover pour surprendre son adversaire en alignant une composition d’équipe encore inédite, en 4-2-4, avec un tandem Youssouf Fofana – Tijjani Reijnders dans l’entrejeu et un front offensif composé de Rafael Leao, Tammy Abraham, Alvaro Morata, peu avare dans le pressing, et Christian Pulisic. Une formule surprenante qui s’est avérée fructueuse, avec une équipe bien plus équilibrée défensivement – bien aidée par les nombreux retours défensifs d’Alvaro Morata pour aider le milieu de terrain – et plus dangereuse offensivement. 

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Paulo Fonseca gagne alors son bras de fer tactique contre Simone Inzaghi en faisant déjouer un Inter Milan peut-être un poil prétentieux. Résultat des courses : un joli succès 2-1 grâce aux réalisations de Christian Pulisic et Matteo Gabbia en fin de rencontre, une performance aboutie face à un rival imbattable depuis bien trop longtemps, des supporters conquis et une place maintenue provisoirement sur le banc de touche milanais pour Paulo Fonseca. Sur la sellette avant ce derby crucial, le coach portugais s’est donné du temps pour inverser la tendance et prouver sa valeur en Italie. Mais alors que ce succès dans le derby milanais était synonyme de rédemption pour l’écurie lombarde, les prochaines rencontres du club milanais n’ont pas vraiment eu de quoi rassurer le peuple rossonero.

L’AC Milan, un club difficile à dompter

Un succès 3-0 face à une faible équipe de Lecce immédiatement après le derby face à l’Inter Milan renforcera brièvement la mince côte de popularité de Paulo Fonseca. Avant que sa crédibilité ne s’embrasse après deux défaites consécutives contre le Bayer Leverkusen en Ligue des Champions (1-0) et face à la Fiorentina en Serie A (2-1) lors desquelles l’AC Milan sera totalement dominée par son adversaire. Ces deux rencontres démontreront également que Paulo Fonseca a grand mal à faire réagir son équipe lorsqu’elle est en difficulté, avec des changements ratés et une tactique mal étudiée. Notamment lors du match face au Bayer Leverkusen, lorsque l’AC Milan souffre grandement du contre-pressing et des phases de transition de l’équipe allemande.

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AC Milan - Monza 13 août
L’AC Milan a clôturé sa pré-saison en remportant le Trophée Silvio Berlusconi, à la suite d’une victoire contre Monza (3-1). Photo : AC Milan

Pour ne rien arranger, le technicien portugais ne semble pas maîtriser l’ensemble de son effectif, avec plusieurs polémiques qui ont surgi depuis l’entame de l’exercice. Le premier incident a eu lieu lors de la troisième journée de Serie A face à la Lazio Rome, lorsque Théo Hernandez et Rafael Leao, entrés en jeu à 70 ème minute de jeu, ont décidé de ne pas se joindre au reste de l’équipe pour écouter les consignes tactiques de Paulo Fonseca lors de la pause fraîcheur. Les deux internationaux se sont défendus en expliquant qu’ils n’avaient pas besoin d’écouter les consignes du coach milanais puisqu’ils venaient d’entrer en jeu et avaient donc pu échanger avec leur coach quelques instants plus tôt, mais la réalité pourrait être complètement différente. Un moyen de faire comprendre que le rôle de remplaçant ne leur convenait pas ?

Une marche trop haute pour Fonseca ?

Le second a eu lieu lors du dernier match en date des Rossoneri, face à la Fiorentina. Alors que Christian Pulisic était désigné comme le tireur numéro un de penalty par Paulo Fonseca, le vestiaire milanais n’a pas pris en compte la consigne du coach portugais. Tandis que les Rossoneri ont obtenu deux penaltys face au club florentin, ce sont Théo Hernandez et Tammy Abraham qui se sont présentés aux onze mètres pour tirer le coup de pied arrêté. Et les deux coéquipiers ont échoué tour à tour face à l’inépuisable David de Gea. Preuve que l’ancien coach lillois a grand mal à encadrer ses joueurs et à faire respecter ses consignes.

Bien qu’il soit connu pour sa capacité à construire des équipes compétitives et à améliorer les performances individuelles de ses joueurs, Paulo Fonseca est face à un immense défi, le plus grand de sa carrière. Un défi peut-être trop grand pour lui, même si son excellent bagage tactique et son savoir-être ne pourront jamais lui être reprochés. Pour entraîner un club comme l’AC Milan, il en faut plus.

Alors que son aventure en Lombardie ne prend pas le tournant attendu, Paulo Fonseca parviendra-t-il à inverser la tendance, à reprendre en main ses joueurs et à enfin imposer son football ? Les prochaines semaines, voire prochains jours, devraient apporter les réponses à toutes ces questions…

Hugo Cammilleri

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