Depuis plus d’une décennie, le nombre de milieux de terrain devenus entraîneurs à succès a considérablement augmenté. Un phénomène observé à partir des années 2010 et l’arrivée d’un certain Pep Guardiola sur le banc du FC Barcelone, période où les anciennes gloires de ce poste ont commencé à connaître un réel succès en tant que coach. Simple coïncidence ou véritable tournant dans le monde des entraîneurs ? Décryptage.

Pep Guardiola, Carlo Ancelotti, Louis Van Gaal… Tous ces hommes ont un point en commun. Avant d’être des entraîneurs de renom – qui ont tous trois remporté la Ligue des Champions -, ils étaient des joueurs professionnels et plus précisément des milieux de terrain. Si certains grands coachs n’ont pas connu de carrière de joueur impressionnante à l’image du Special one José Mourinho, d’autres ont foulé bon nombre de pelouses avant de passer sur le banc. Doté d’une vision de jeu particulièrement bonne, d’un sang-froid à toute épreuve (ou pas), les grands entraîneurs et les milieux de terrain ont en commun divers atouts.
Quels points communs entre entraîneurs et milieux ?
Il est donc légitime de se demander si les milieux de terrain les plus talentueux possèdent une longueur d’avance sur leurs comparses pour devenir des coachs à succès. Et parmi les nombreuses qualités présentent chez les milieux de haut niveau, l’une des plus importantes reste la vision du jeu. Au centre du terrain et de l’attention, ces joueurs doivent connaître le positionnement de leurs équipiers à chaque moment. Actuellement l’un des joueurs à la meilleure vista au monde se nomme Kévin De Bruyne et le Belge ne cesse de surprendre par ces passes quasi-impossible et souvent surprenantes.
« Limpide, efficace et tranchante, sa vision de jeu relève presque de l’irrationnel », commentait d’ailleurs, et judicieusement, le journal L’Equipe dans un article de preview pour la Coupe du Monde 2022. Cette qualité essentielle a aussi son importance une fois devenu entraîneur. Elle permet notamment une meilleure compréhension du jeu. « Les milieux sont des joueurs qui, pendant leurs 15 ans de carrière, sont sensibilisés à la tactique, ce sont eux qui doivent le mieux connaître leur équipe. Ça permet une transition plus facile sur le banc », ajoute Enzo Pailot, fondateur de l’émission partenaire Box to Box et journaliste pour Le 11 Hauts-de-France.
Un phénomène déjà présent dans les années 1960

Il est donc possible d’imaginer un jour De Bruyne sur un banc d’entraîneur, malgré son tempérament plutôt nerveux, où il rejoindra des hommes croisés sur les terrains. De nos jours, Xabi Alonso ou Mikel Arteta font partie de ces milieux à la retraite devenus entraîneurs à succès, mais ils sont très loin d’avoir été les premiers. Déjà en 1959, l’Anglais Bob Paisley quittait les terrains pour le banc après une carrière de milieu excentré.
« En l’espace de dix minutes de visualisation d’un match, il pouvait analyser dans le moindre détail les forces et faiblesses des deux équipes en présence », expliquait, il y a plus de 50 ans déjà, Tom Saunders, l’un des membres du staff de Liverpool. Bob Paisley fait donc bien partie de ces premiers milieux devenus entraîneurs à succès. Il est d’ailleurs le premier coach de l’histoire du ballon rond à avoir remporté trois titres européens.
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Un effet de mode ?
La légende des Reds illustre indéniablement ce succès que peuvent avoir les médiateurs du jeu une fois passé de l’autre côté de la ligne de touche. Toutefois, cette perspective connaît une vraie démocratisation depuis plusieurs années. « Il y a beaucoup d’aspects tactiques que l’on comprend mieux quand on est milieu, car on doit les assimiler pour être performant », justifie Enzo Pailot. Dans un monde toujours plus tactique où les milieux sont les clés de voûte des stratégies, ces joueurs sont forcés de se mettre à niveau pour suivre les consignes.
De plus, si vous ne connaissiez pas Bob Paisley, rien d’inquiétant. Malgré toutes ses qualités d’entraîneur, l’Anglais a coaché à une époque où son rôle était bien moins mis en avant. « Pendant le Classique (du 27 octobre 2024, Ndlr) , il y avait d’un côté Barcola, international français et star émergente, de l’autre Adrien Rabiot, qui a une grande histoire avec le PSG mais qui est maintenant à l’OM. Pourtant, tous les yeux étaient rivés sur Luis Enrique et Roberto De Zerbi », illustre Enzo Pailot. D’autant que le football européen a vu partir ses deux légendes, Cristiano Ronaldo et Lionnel Messi, qui monopolisaient une grande partie de l’attention. Aujourd’hui, certains peuvent estimer que les entraîneurs des grands clubs sont suivis de plus près. En bref, qu’ils prennent la lumière comme jamais ils ne l’avaient fait auparavant.
La patte Guardiola
En parlant de tendance, l’une d’entre-elles se remarque tout particulièrement depuis quelques années. Mikel Arteta, Xabi Alonso ou encore Vincent Kompany (même s’il n’était pas milieu) ont tous croisé le chemin d’un homme : Pep Guardiola. L’entraîneur qui a révolutionné le football, en proposant des tactiques encore jamais aussi abouties, a largement influencé les footballeurs passés sous ses ordres. « Mon admiration pour lui n’a certainement pas changé. Mon opinion, c’est qu’il est le meilleur entraîneur du monde, et de loin », affirmait Mikel Arteta, en 2024, lors d’une conférence de presse avant d’affronter Manchester City, au sujet de l’homme avec qui il a été entraîneur adjoint des Blues.
Joyeux anniversaire à Pep Guardiola qui fête ses 52 ans ! 🎂
Son palmarès en tant qu’entraîneur :
3 Liga 🇪🇸
3 Bundesliga 🇩🇪
5 Premier League 🏴
3 Ligue des champions 🇪🇺Le plus grand de l’histoire ? 🤔 pic.twitter.com/XWjaimRU7P
— CANAL+ Foot (@CanalplusFoot) January 18, 2024
Intelligent, novateur, déconstruit… Tant de caractéristiques justifiant le football proposé par Pep Guardiola depuis plus de 15 années. L’Espagnol de 53 ans a vu défiler des stars intergénérationnelles comme Messi, Dani Alves ou encore Thierry Henry et a su les magnifier. Il est considéré par beaucoup comme le meilleur entraîneur de l’histoire, probablement à juste titre. Petite devinette, quel était le poste du Catalan avant qu’il ne rejoigne les bancs pour entraîner ? Vous vous en doutiez, il était bel et bien milieu de terrain. Un passé lui ayant certainement permis de diriger à merveille le légendaire trio Xavi – Busquets – Iniesta. Le premier a d’ailleurs tenté de reproduire les exploits de son ex-coach au FC Barcelone, sans succès.
Une règle loin d’être universelle
Avoir passé des années au milieu de terrain confère donc quelques aptitudes supplémentaires pour devenir entraîneur, mais cette avance de départ est loin de faire tout le boulot. Certaines légendes de ce poste ne sont jamais parvenues à endosser ce nouveau rôle une fois passées sur le banc. À l’image du cultissime Diego Maradona, milieu offensif parmi les meilleurs de l’histoire, qui n’a jamais eu de résultats satisfaisants lors de ses passages à Boca Juniors, au Racing Club ou même à la tête de la sélection argentine.
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Par exemple, lors de l’arrivée de la légende du Napoli en tant qu’entraîneur de l’Albiceleste en 2008, les premiers mauvais résultats s’enchaînent rapidement. La confiance est alors vite mise à rude épreuve. Et le Gamin D’or ne peut pas compter sur le soutien de la presse, avec qui les relations sont tout bonnement exécrables. À l’image de sa déclaration lors de la qualification de l’Argentine au mondial de 2010 : « Vous n’avez qu’à venir me sucer. À tous ceux qui m’ont maltraité, venez me sucer. » Finalement, il n’a jamais trouvé un club où épanouissement et résultats étaient à la hauteur des attentes placées en lui.
Une pression supplémentaire, à l’instar de Xavi
Maradona étant un joueur à vocation offensive, certains pourraient se dire qu’il devait avoir moins de connaissances tactiques en termes de positionnement ou encore de transition, mais il n’est pas le seul dans cette situation. Au même titre, des milieux à l’intelligence de jeu vérifiée et dirigés par les plus grands tacticiens de l’histoire n’ont jamais convaincu en tant qu’entraîneur. Xavi, Nuri Şahin, Claude Makélélé sont des membres à part entière de ces échecs où les attentes étaient peut-être trop grandes.
Être un grand joueur peut en effet permettre de devenir plus rapidement entraîneur d’un grand club, dû à une sorte de légitimité, mais les attentes sont aussi plus fortes. « Avant d’être joueur ou entraîneur je suis fan de Barcelone et je ne veux que le meilleur pour le club de ma vie, dont je serai toujours à la disposition », expliquait par ailleurs le Catalan dans son message d’adieu au Barça, suggérant la pression qu’il a pu se mettre à lui-même. Mais tous n’ont pas connu le destin de Xavi ni celui de Pep Guardiola. Les exemples sont nombreux et chaque situation est évidemment propre à chacun et différente.
Les milieux de terrain possèdent donc bon nombres d’atouts sur leurs équipiers pour devenir des entraîneurs. Cependant, la science du foot reste quasi-indéchiffrable et il est dur de dire qui seront les prochains joueurs à réussir ou échouer sur un banc. Alors, les paris sont ouverts : quel milieu de terrain actuel entrera dans l’histoire des plus grands entraîneurs de football ?