Ligue 1 : pourquoi les clubs français ciblent de plus en plus la Scandinavie ?

Les achats des clubs français du côté des championnats scandinaves se sont multipliés ces dernières années. Une tendance confirmée à nouveau cet été et qui, généralement, fait le bonheur de la Ligue 1. Comment et pourquoi les jeunes prospects nordiques tapent dans l’œil de la Ligue des talents ? Explications.

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Avec l’avis de spécialistes, la Toile du Footeux tente d’expliquer les raisons de ces transferts. Photo : Philip Myrtorp/Unsplash

Sebastian Nanasi, Albert Grønbæk, Derek Cornelius, Lasso Coulibaly… Tous ont un point commun : ils sont arrivés cet été en Ligue 1, en provenance des championnats scandinaves. Les deux premiers, respectivement Suédois et Danois, ont déjà été auteurs de prestations claquantes. De jeunes joueurs qui n’ont pas tardé à se démarquer sur les pelouses du championnat français, et qui confirment encore un peu plus l’aspect fructueux des échanges footballistiques entre la France et la Scandinavie. 

« Les dirigeants français voient qu’il y a un véritable vivier à exploiter »

Si les arrivées de joueurs nordiques ou de joueurs issus des pays scandinaves s’additionnent aujourd’hui en France, elles l’ont surtout été durant le précédent mercato estival du côté du Stade Rennais. Albert Grønbæk, Henrik Meister, Glen Kamara et Leo Ostigard ont alors été recrutés, sous l’impulsion du nouveau directeur sportif Frederic Massara, pour renforcer les rangs Rouge et Noir cette saison. Jamais le board rennais n’avait autant recruté en Scandinavie.

Un nouvel élan pour le club breton, principalement proactif sur le marché français jusqu’à l’arrivée du dirigeant italien. Un choix qui résume de manière plus générale ceux de la Ligue 1, qui connaît aussi un tournant et un intérêt croissant pour la Scandinavie. « Les dirigeants français voient qu’il y a un véritable vivier à exploiter. Et surtout, ce sont de superbes affaires financières », précise Antonin Bardin, journaliste et community manager de la bible Nordisk Football sur X. Cet avantage considérable est peut-être l’élément le plus important à prendre en compte dans cette nouvelle tendance. Nous y reviendrons dans la suite de cet article, mais attardons nous d’abord sur les autres raisons de ces transferts. 

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Nouveau tremplin, nouvelle tendance

Aujourd’hui classé comme le cinquième championnat d’Europe en termes de niveau et par le classement UEFA, sixième pour certains, septième pour d’autres, quatrième pour les plus fous, la Ligue 1 s’enlace depuis au moins une dizaine d’années dans la classe de championnat « intermédiaire ». La faute à des résultats affligeants les trois quarts du temps sur la scène européenne, à la fuite de ses meilleurs talents et de ses stars, mais aussi et surtout – puisque c’est le cœur du problème – à de graves difficultés financières. Encore plus depuis la période Covid et la faillite de Mediapro.

Tout cela offre actuellement l’opportunité à certains joueurs européens, mais pas que, d’être recrutés par les clubs français intéressés par un début de carrière prometteur dans une ligue de seconde zone. La Scandinavie est, depuis, un vivier important. Il est donc devenu « naturel » pour bon nombre de jeunes talents nordiques de connaître un détour via la Ligue 1. Soit pour émerger, soit pour confirmer, voire même pour porter le championnat, comme l’a fait un certain Zlatan Ibrahimovic (2012-2016).

« Il y a énormément de scouts (recruteurs) en Scandinavie. Ça ne date pas d’hier, mais jusque-là, ils venaient surtout des championnats intermédiaires ou des pays de l’Est, argumente Antonin Bardin, fin connaisseur des championnats nordiques. Maintenant, on sent qu’il y a la présence de clubs plus importants : Rennes, Lens, Lille, Strasbourg, Brighton, Newcastle, des clubs allemands et italiens aussi, un petit peu moins d’Espagne. » 

Chez nos partenaires de Box to Box, focus sur d’autres championnats souvent méconnus du grand public.

Des calendriers différents entre la L1 et la Scandinavie

En recrutant dans les pays nordiques, les clubs français doivent pourtant prendre en compte une donnée non négligeable : hormis le championnat danois, les autres se disputent sur une année civile, contrairement au « Top 7 » européen. Là-bas, la saison débute en mars ou avril et se termine en fin d’année civile, l’hiver étant très glacial et nécessitant de lourds moyens économiques. Le résultat étant que ces joueurs scandinaves recrutés en Ligue 1, pour la plupart, débarquent avec déjà une demie-saison dans les pattes. Avant de repartir sur un exercice entier dans leur nouveau club.
« Dans les pays nordiques, surtout la Norvège et la Suède, ce sont 80 % de terrains synthétiques. Quand on connaît les problèmes physiques que ça peut apporter… Faire six mois sur ces terrains et enchainer sur une saison pendant un an sur des terrains naturels, ça rend la charge physique assez énorme pour une première saison, souligne le co-responsable de Nordisk Football, alimenté bénévolement. Jusque-là, ça n’a pas l’air d’être un gros frein. Car l’avantage, aussi, c’est que le joueur est déjà prêt physiquement. »

Similitudes athlétiques mais diversité des profils

Des circonstances permettant à une large majorité de ces nouveaux joueurs de Ligue 1 de s’imposer à la vitesse grand V. Nanasi à Strasbourg (3 buts et 2 passes d. en 7 matchs) en est le meilleur exemple et sa qualité technique n’a échappé à personne dès sa première titularisation au Groupama stadium. Pour autant, les championnats nordiques et français se rejoignent légèrement sur l’aspect physique, moins sur l’aspect technique : « Sur les terrains synthétiques, le ballon fuse beaucoup. Ce n’est pas le même football. Donc, les joueurs mettent un peu tout sur le physique et l’athlétique. Ostigard, par exemple, est un joueur avec un impact physique important ». Le scout et analyste vidéo Guillaume Vague, lui, voit surtout une variété de profils. « Tu peux, entre guillemets, partir à l’aveugle là-bas et trouver ton bonheur », affirme-t-il.

https://twitter.com/guillaume_vague/status/1825117978892914915

Une diversité quelque peu renforcée actuellement par l’installation d’académies sur le continent africain pour dénicher les plus gros prospects du continent (voir par la suite). Ce qui entraîne aussi la hausse des double-nationalités en Scandinavie. « Ça favorise cette pluralité dans les profils et ça rend la prospection intéressante », reprend le fondateur de Touche de balle sur X, qui travaille professionnellement auprès d’agents de joueurs et de structures. Ajoutez à cela que la culture scandinave permet à sa population d’exceller dans les langues étrangères, et a fortiori l’anglais. Bilingues pour la plupart à la sortie de leur cursus scolaire, voire bien plus tôt, les Scandinaves ont une capacité d’adaptation culturelle et linguistique que d’autres n’ont pas… à l’instar de la France.   

Le début de la fin ?

S’il est difficile de fixer une date de début à cette tendance du recrutement de jeunes joueurs en Scandinavie, il est certain que ces transferts sont de plus en plus nombreux depuis au moins 4-5 ans. Un timing qui coïncide évidemment avec la période Covid et l’échec de la chaîne Mediapro, qui ont entraîné des difficultés économiques sans précédent chez les écuries de L1. La recherche de Scandinaves prometteurs, dans des championnats moins développés, a donc permis à plusieurs clubs de recruter à moindre coût. À l’image d’un Gabriel Gudmundsson, latéral suédois arrivé au Losc après deux saisons « passerelles » aux Pays-Bas. Ou encore de Mohamed Daramy, ancien du FC Copenhague, recruté en 2023 par Reims. Des exemples comme ceux-ci, il y en a à la pelle. Tous (ou presque) se sont fait à des coups moindres, raisonnables, avec des prises de risques minimales. 

Des achats de plus en plus coûteux

Nanasi Strasbourg Ligue 1 - Scandinavie
Le Strasbourgeois Sebastian Nanasi a (déjà) été élu joueur du mois de Ligue 1 en septembre. Photo : RC Strasbourg

Mais depuis deux étés, on remarque un changement important. Le prix des transferts franco-scandinaves a considérablement augmenté. Citons les plus connus : Nanasi (11 M€), Grønbæk (15 M€), Nuamah (28,5 M€), Sulemana (15 M€). Si ces joueurs ont ou pourraient rapporter des plus-values à leur club, il n’en reste pas moins que la prise de risques augmente considérablement. « Aujourd’hui, ce n’est pas gage de réussite. Et le jour où la réussite sera systématique, malheureusement, ces joueurs ne seront plus accessibles à la Ligue 1. Le championnat danois et les autres auront augmenté leur marché », précise Guillaume Vague, ajoutant que les recruteurs se tourneront vers d’autres pays plus accessibles, tels que l’Équateur, la Colombie, la République tchèque, etc. « Même si elle a des limites, c’est la force de la data », reprend le scout. 

Ce que fait depuis plusieurs années Toulouse, qui cherche à dénicher des pépites à des prix minimalistes en attaquant des petits marchés. D’où leur désintérêt, désormais, pour la Scandinavie. « Un club intermédiaire de Ligue 1 ne peut plus se permettre de faire un pari payant aussi cher dans les pays nordiques. Si tu compares les prix de maintenant à ceux d’il y a quelques années, ce n’est plus du tout pareil », confirme le fondateur de Touche de balle, lancé en septembre dernier.

https://twitter.com/touchedeballe/status/1831006742098198889

Une évolution incertaine en Scandinavie

Si tout porte à croire que le championnat danois, notamment, pourrait passer un cap, le constat est à nuancer. Les joueurs lancés dans le grand bain, exposés aux yeux de tous depuis la démocratisation des scouts et des outils d’analyse vidéo, partent presque aussi vite qu’ils explosent. Même si certains ont compris qu’ils ne faillaient pas se brûler les ailes. « C’est très compliqué d’avoir une forme de régularité. Bodo Glimt, lui, arrive à avoir une vraie régularité, mais c’est un cas à part. Et puis, tous les bons joueurs passés là-bas sont partis, reprend Antonin Bardin. On a vu ces 3-4 dernières années que, comme les prix des transferts ont explosé, les clubs ont vraiment les moyens. Les clubs n’ont jamais eu autant d’argent que maintenant. De plus en plus battent des records de ventes. »

La Ligue 1 a encore de belles pioches à faire

Des sommes qui permettent logiquement de développer les infrastructures locales mais aussi les partenariats avec les académies, notamment en Afrique, comme expliqué précédemment. Nordjylland (Danemark) est l’exemple le plus réputé avec l’académie Right to Dream au Ghana. Des joueurs comme Ernest Nuamah, Kamaldeen Sulemana ou encore Mohammed Kudus en sont sorties. En deuxième division norvégienne, le club de Stabæk dispose d’une académie au Nigéria, qui a permis l’éclosion de Gift Orban, entre autres. La preuve que, indirectement, le continent africain alimente la Ligue 1, après une première phase de test dans un championnat plus secondaire.

Enfin, le rétrécissement de la fenêtre de tir pour les clubs français d’un point de vue financier ne demeure pas, pour le moment, rédhibitoire. La tendance Ligue 1 – Scandinavie a encore de beaux jours devant elle, c’est une certitude. Elle pourrait cependant prendre un virage différent, favorisant la prise de risques de clubs plus à l’aise financièrement. Par ailleurs, voici une liste non exhaustive, glissée par nos deux intervenants, de jeunes pousses qui devraient agiter le marché prochainement :  Léo Walta (IK Sirius), Keita Kosugi (Djurgårdens IF), Sindre Walle Egeli (FC Nordsjaelland) ou encore Bazoumana Touré (Hammarby IF).  

https://twitter.com/touchedeballe/status/1831013234104467624

Nathan Bigué 

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