En tribunes : Barcelone, plus qu’un seul club

À Barcelone, le Barça et l’Espanyol sont deux rivaux qu’absolument tout oppose, aussi bien en dehors qu’à l’intérieur de leur antre respective. Nous nous sommes furtivement glissés dans les rues barcelonaises : focus sur le football dans la capitale catalane et sur deux atmosphères radicalement différentes.

Photo : fcbarcelonanoticias.com et el199.com

Au terme d’un périple de moins de deux heures à bord d’un avion low cost, les voyageurs posent le pied et leur valise sur le tarmac ensoleillé de Barcelone. Très vite, on aperçoit rapidement les premières casquettes, sacs et t-shirts aux couleurs du FC Barcelone à travers l’aéroport. Une boutique officielle du club est d’ailleurs présente dans le hall, pour permettre aux itinérants de s’offrir un cadeau de première ou de dernière minute. Le football sera inévitable ici, cela apparaît déjà comme une évidence.

Pas de temps à perdre, direction le métro pour se rendre dans le cœur de la ville. Destination : la Sagrada Família, symbole de la ville à l’international et épicentre du tourisme. Une fois repus de photos, les visiteurs peuvent se désaltérer l’esprit avec une seconde boutique officielle du Barça, située au pied du monument et accompagnée d’un mini-musée sur l’histoire du club. Sur la Rambla, avenue emblématique envahie par les touristes et les restaurants avides de touristes, les magasins de souvenirs s’enchaînent. Ceux-ci présentent une tonne de contrefaçons autour du Barça, plus ou moins bien reproduites. Un peu plus haut dans la rue, une troisième boutique officielle du club s’élève, avec quatre étages cette fois. Toujours plus grande, toujours plus de produits, pour toujours plus de tentations.

Le Barça est aussi célèbre que Barcelone, et tout le monde cherche à en profiter.

Difficile de ne pas frôler l’overdose, même en tant que drogué du ballon rond. On l’a bien compris : le Barça est aussi célèbre que Barcelone, et tout le monde cherche à en profiter. Et ce, quitte à afficher le logo absolument partout et à vendre n’importe quoi à son sujet. Il est désormais temps de respirer un bon coup et de s’éloigner de l’effervescence du centre. Direction Cornellà de Llobregat, banlieue de la ville et terre de l’autre club de Barcelone : le RCD Espanyol.

Un triple come-back

L’ambiance n’est pas à la fête lors du trajet vers la périphérie. Pas de wagon bondé ou de chant dans le métro, la retenue est de mise chez les supporters. L’Espanyol a toujours vécu à l’ombre d’un géant, habitué à manger du pain noir pendant que son voisin s’empiffre de titres. Qu’importe que le RCD soit un historique du championnat hispanique, c’est dans une quasi indifférence que le club évolue désormais en deuxième division.

Il y a pourtant de quoi s’émerveiller au moment de pénétrer dans le Stage Front Stadium, superbe enceinte de 45.000 places. Le match du jour oppose l’Espanyol à Burgos, une équipe poil à gratter qui mise sur un bloc bas et des contre-attaques. Assis à seulement quelques mètres du terrain, on s’immerge facilement dans cette rencontre, entendant aussi distinctement le bruit du ballon que les cris des joueurs. Les 13.000 habitués présents dans le stade n’en sont pas au même état de fascination. Ils sont même plutôt bougons, montrant plusieurs signes d’impatience face à l’incapacité de leur équipe à prendre les devants. Après avoir été menés à trois reprises, Martin Braithwaite et ses coéquipiers parviennent à revenir à chaque fois au score pour arracher un partage (3-3).

Espagnol Barcelone
Racheté par le groupe chinois Rastar, le RCD Espanyol a connu deux relégations en 2020 et 2023. Photo : François Linden

Les Pericos sauvent les meubles, mais perdent des points précieux dans leur lutte pour la montée. Malgré une ambiance peu explosive et des gradins loin d’être remplis, il régnait une atmosphère authentique au Stage Front Stadium. Les ultras ont donné de la voix du début à la fin, et l’identité locale du public était bien palpable. Peu de touristes et encore moins d’opportunistes dans les tribunes, seul le noyau dur des supporters était présent pour soutenir le club dans ce qui est probablement la pire période de toute son histoire. Un verre à shot de passion pure dans une ville passionnée de foot mais diluée au soft.

Colline, pop-corn et Ola

Après cette escapade banlieusarde, retour vers du plus touristique le lendemain. Cap au Montjuïc, où le FC Barcelone reçoit la lanterne rouge Almeria. Le Camp Nou étant en rénovation, c’est dans le stade olympique que le club évolue depuis le début de saison, là où a justement évolué l’Espanyol entre 1997 et 2009. Le décor pour s’y rendre est grandiose, l’enceinte étant perchée sur une colline où se côtoient différents lieux culturels. Une manière de compenser quelque peu le stade en lui-même, incomparable avec son prédécesseur en raison des espaces gigantesques qui séparent les tribunes de la pelouse.

Aux abords des entrées, il apparaît vite que l’accent ne sera pas aussi catalan que la veille. Des milliers touristes issus des quatre coins du monde sont présents, des sachets de pop-corn à la main et des écharpes flambant neuves autour des épaules. Avec une telle présence dans les tribunes, l’ambiance du match est calme, presque silencieuse par moments. Quelques timides tentatives d’« Ola » sont initiées dans le public, rapidement étouffées par le manque de ferveur. Les ultras ont beau entonner des chants depuis leur kop, l’absence de toit ne favorise pas une acoustique de qualité. Seul le mythique « Cant del Barça » parvient à arracher un demi-frisson.

Montjuic, FC Barcelone
Un peu plus de 34.000 spectateurs étaient présents au Montjuic pour assister à la rencontre face à Almeria. Photo : François Linden

Mis en difficulté par son modeste adversaire, les hommes de Xavi finiront par émerger grâce à un improbable doublé de Sergi Roberto pour l’emporter 3-2. Pas un grand Barça, ni une grande ambiance, mais les touristes peuvent se réjouir d’avoir vu un match indécis, avec des buts et un panel de joueurs célèbres sur le pré.

Cette atmosphère décrit bien l’évolution qu’a connue Barcelone. Autrefois cité industrielle, la ville de Gaudi est devenue un monstre touristique qui attire chaque année près de 7 millions de visiteurs. Le revers de toutes les médailles glanées par le Barça, c’est cet aspect ultra commercial et presque étouffant qui dilue quelque peu la magie d’un club. On ne peut évidemment pas résumer l’institution catalane à cela, mais difficile de garder un regard d’enfant sur la machine commerciale qu’elle représente désormais. De là à être nostalgique de l’authenticité modeste incarnée par l’Espanyol ? Pas sûr que les fans du Barça regrettent vraiment Martin Braithwaite sur le front de leur attaque.

François Linden

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