Le passage de Guardiola au Bayern, entre héritage et amertume

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Le Bayern Munich reçoit son ex, Pep Guardiola, à l’Allianz Arena pour la première fois depuis 2016. Si le passage du tacticien a marqué de manière indélébile le football allemand, certains supporters gardent une certaine rancœur envers son aventure bavaroise, brutale et achevée sur un goût de trop peu.

En 2013, le Bayern Munich réalise ce qui est probablement la plus grande saison de son histoire. Sous Jupp Heyckens, les Bavarois réalisent le fameux triplé Coupe – championnat – Ligue des champions, avec en point d’orgue une double claque mémorable infligée au FC Barcelone en demi-finale de Ligue des champions (7-0 sur la double confrontation) et une victoire au bout du suspense en finale face au Borussia Dortmund. Ribéry, Robben et compagnie impressionnent en pratiquement un jeu typiquement allemand du début des années 2010, hérité en partie du passage de Louis Van Gaal en Bavière. « Le club avait tout écrasé sur notre passage, avec un jeu plaisant, une verticalité maximale et des mises à l’amende en rafale, explique Julien Müller, auteur de plusieurs livres sur le football et grand amateur du Bayern Munich. Tout le monde les aimait, ou les craignait. Ils étaient au sommet. »

Toutes les histoires ont cependant une fin, et Jupp Heyckens avait prévenu plusieurs mois à l’avance qu’il prendrait sa retraite en fin de saison. En janvier 2013, son successeur est annoncé. C’est Pep Guardiola qui prendra la relève dès l’exercice suivant. Le coach catalan avait pris une année sabbatique après ses glorieuses années au FC Barcelone. Les attentes sont immenses, certains anticipant que les principes de jeu du Bayern seraient mis de côté au profit du « tiki-taka ». Dès sa première conférence de presse, Pep Guardiola tempère toutefois les choses en promettant de trouver un compromis : « Je dois m’adapter aux joueurs et m’ajuster à leurs qualités. Les joueurs de Barcelone sont différents de ceux du Bayern. Je dois m’adapter, peu importe le système. »

Jeu hybride et changements constants

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Lors de ses premiers mois, le Bayern de Pep Guardiola s’inscrit dans la même veine que le Barça de l’époque, avec la mise en place d’un jeu de position et de possession. La mayonnaise ne prend pas dans l’immédiat, et l’entraîneur au crâne chauve procède alors à des ajustements : l’équipe doit davantage jouer sur ses ailiers Ribéry et Robben et ainsi exploiter leurs qualités exceptionnelles en un contre un. Le Bayern entame alors sa transformation, en mêlant la philosophie hispanique avec le jeu vertical allemand. Le tacticien procède aussi à une révolution pour l’époque, en resserrant les latéraux Alaba et Lahm à l’intérieur du jeu pour densifier l’entrejeu.

Le résultat est implacable : le Bayern roule outrageusement sur la Bundesliga pendant trois années, en pratiquant un football très esthétique encore jamais vu en Allemagne. Des changements de système constants et des innovations tactiques peu communes rendent l’équipe imprévisible. Peut-être même un peu trop : « Guardiola n’a pas su installer un onze type, dans un système type, regrette Julien Müller. C’est fort car il trouvait toujours une solution et gardait la main sur les matchs. Mais dans un gros rendez-vous, avoir des certitudes est important. Le Bayern écrasait trop la Bundesliga, du coup les joueurs disputaient des matchs sans enjeu trop tôt dans la saison. »

En Ligue des champions, le Bayern se heurte trois années consécutives aux trois géants du football espagnol dans le dernier carré : le Real Madrid, le FC Barcelone et l’Atlético. Si à chaque fois, des circonstances ont joué en la défaveur du Bayern – rébellion des joueurs en 2014, blessures de plusieurs cadres en 2015 et cruel manque de réussite en 2016 -, la réalité et que le Bayern n’est jamais parvenu à dominer ses opposants sur la double confrontation. En 2016, l’entraîneur quitte l’Allemagne pour rejoindre Manchester City. Si d’un point de vue domestique, Pep Guardiola a tout écrasé avec son Bayern, force est de constater qu’il n’est pas parvenu à ramener la Coupe aux grandes oreilles, motif pour lequel il avait été recruté.

Reconnaissance et rancœur

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Quelques années plus tard, tout le monde s’accorde pour dire que l’héritage laissé par Pep Guardiola en Allemagne est immense. Le tacticien a complètement modifié l’approche du football outre-Rhin, que ça soit en matière de coaching, de tactique et d’infrastructure. Plusieurs anciens joueurs comme Philipp Lahm lui rendent régulièrement hommage : « Son travail pourrait être comparé à celui d’un grand maître d’échecs. Ou bien, à celui d’un chef d’orchestre qui fait ressortir le meilleur de chaque musicien ». La direction bavaroise est encore fortement reconnaissante des travaux réalisés par le Pep. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des coachs comme Julian Nagelsmann ou Thomas Tuchel se sont retrouvés sur le banc du club. Eux qui s’inscrivent dans le même courant de modernité que Guardiola.

Mais en parallèle de tout cela, bon nombre de supporters bavarois gardent un souvenir mitigé du passage du Catalan. Une partie des fans regrettent les changements trop radicaux opérés en un très court laps de temps, ayant en quelque sorte « renié » ce qui avait fait le succès du club en 2013. Dans une institution profondément attachée aux traditions, Pep Guardiola a eu le malheur de passer juste après un entraîneur qui a tout gagné avec un panache typiquement germanique. « La rupture avec le style Heynckes a été trop violente, trop soudaine, revient Julien Müller. Je lui en « voudrais » toujours pour ce qu’il a cassé. »

Ce soir, les Munichois auront fort à faire face à Manchester City, vainqueur 3-0 lors du match aller. Une remontada semble improbable, mais le Bayern peut se donner de l’espoir en connaissance de cause : Pep Guardiola a été plus d’une fois victime de scenarii improbables en Ligue des champions.

François Linden

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