Maurizio Sarri, l’ancien banquier à l’origine du magnifique « Sarriball »

De cadre d’agence bancaire à entraîneur réputé et respecté pour son football soyeux et offensif, Maurizio Sarri peut se vanter d’avoir mené une carrière tout à fait singulière. Des bas-fonds du football italien à la Premier League, en passant par les cadors de Serie A, le technicien transalpin a mis au point une méthode de jeu capable de faire pâlir n’importe quel adversaire : le « Sarriball » !

Maurizio Sarri, l’homme derrière la renommé « Sarriball ». Photo : SSC Napoli

Avant de devenir un tacticien hors-pair, Maurizio Sarri a fait ses premières gammes avec le ballon dans les rues de Naples, où il est né le 10 janvier 1959, puis de Florence, où il a passé la majeure partie de son enfance. Dès son plus jeune âge, le petit Maurizio se passionne pour la tactique. À défaut d’être doué pour évoluer dans le rectangle vert – sa carrière de joueur ne dépassera jamais le niveau amateur -, Monsieur 33 excelle dans l’analyse tactique et il le comprend très vite.
Sarri se reconvertit rapidement comme entraîneur et s’installe d’abord sur les bancs de touche de clubs amateurs, qui évoluent dans les plus petits échelons du football italien. En parallèle de son activité de technicien, il fait carrière dans la finance et devient cadre d’agence bancaire au sein de la plus vieille banque du monde encore en activité, la Banca Monte dei Paschi di Siena.

Mais à 40 ans, Maurizio Sarri est déjà lassé de sa profession. Et au même moment, une révélation le traverse : qu’en est-il de son rêve d’enfance de côtoyer les sommets du football italien ? Simple crise de la quarantaine ou éclair de génie ? Peu importe, le natif de Naples plaque tout et se lance éperdument dans une carrière d’entraîneur. Et le temps finira par lui donner raison…

Une accession au plus haut niveau

Lorsqu’il quitte son poste dans les banques, Maurizio Sarri est déjà fort de huit ans d’expérience sur les bancs d’entraîneurs, à temps partiel bien sûr, dans les championnats obscurs du foot italien. Il faudra encore onze années d’exercice au tacticien italien entre le cinquième et le troisième échelon du football transalpin (Pescara, Hellas Vérone, Pérouse Calcio) avant que sa carrière ne décolle véritablement.
Le 25 juin 2012, à l’âge de 53 ans, Maurizio Sarri atteint enfin le premier objectif d’une longue liste qui doit le conduire au plus haut niveau : s’installer sur le banc d’un club de Serie B. Beaucoup trop irrégulier mais ambitieux et avide de retrouver l’élite, l’Empoli fait appel aux services du tempétueux coach campanien, déjà réputé pour sa vision du jeu ultra offensif, mais aussi pour son caractère bien trempé.

À l’agonie au moment de l’arrivée de Maurizio Sarri, les Azzurri vont connaître des jours heureux sous la houlette de leur nouvel entraîneur. Après une première saison satisfaisante conclue en play-off de Serie B, Empoli va confirmer son nouveau potentiel lors de la saison 2013/14… Avec une magnifique seconde place acquise grâce à un jeu soyeux, porté vers l’avant, Maurizio Sarri conduit son équipe en Serie A. Une consécration pour le coach italien, qui accède à l’élite 24 ans après ses débuts sur les bancs de touche !

Début en Serie A et arrivée à Naples

Promu ou pas, Empoli compte bien faire valoir ses arguments face aux ogres du championnat italien. Dès les premières rencontres de la saison 2014/2015, les pensionnaires du Stadio Carlo Castellani se dévoilent comme de véritables troubles fêtes ! Un nul face à l’AC Milan (J4), une victoire face à la Lazio (J11), un partage des points contre Naples (J14), un autre face à l’Inter Milan (J19), Empoli prouve que la modestie d’une équipe n’empêche pas de se montrer séduisant.
Le club toscan se maintient confortablement en fin d’exercice (15ème, 42 points, huit de plus que le premier relégable, Cagliari). Et alors que les dirigeants des Azzurri ne peuvent être plus satisfaits du rendement de Maurizio Sarri, l’été 2015 est fortement agité. Les rumeurs envoyant le tacticien napolitain vers ses terres natales se montrent fondées. Maurizio Sarri va déménager au stade Diego Armando Maradona, encore nommé San Paolo à l’époque.

Dès son arrivée à Naples, Sarri met en place un 4-3-3 très offensif. Photo : SSC Napoli

Un remue-ménage est mis en place par l’excentrique président du SSC Napoli, Aurelio De Laurentiis, qui démet Rafael Benitez de ses fonctions après une saison moyenne au pied du Vésuve (5e avec 63 points). Son remplaçant est tout trouvé : l’enfant de la ville Maurizio Sarri. En dépit de son passage plus que réussi à Empoli, Monsieur 33 ne fait pas l’unanimité chez les observateurs napolitains, qui pointent notamment du doigt son CV peu rempli et son apparence négligée. Un certain Diego Maradona déclare même : « Nous n’aurons pas un grand Napoli avec Sarri. J’aurais gardé Benitez. Sarri est une bonne personne, mais il ne mérite pas le Napoli ». En trois ans, Maurizio Sarri prouvera à tous ses détracteurs qu’ils avaient faux sur toute la ligne.

L’hégémonie du « Sarriball »

À la tête du Napoli, Maurizio Sarri met directement en place ses principes de jeu. Il érige rapidement son équipe type : un 4-3-3 porté vers l’avant, qui permettra à deux joyaux purs d’exploser et de crever l’écran. Le premier n’est autre que Lorenzo Insigne. À 24 ans, l’ailier italien, en tant que véritable électron libre sur le front offensif, multiplie les buts et passes décisives (13 buts, 11 passes décisives). Ses nombreux décrochages dans le cœur du jeu permettent au jeune Faouzi Ghoulam, latéral gauche très offensif, d’apporter du surnombre en attaque. L’un des premiers coups de maître de Sarri avec les Partenopei. Le second joueur à véritablement exploser est Gonzalo Higuain, qui boucle la saison en tant que meilleur buteur du championnat avec 36 buts, soit 15 de plus que son dauphin Paulo Dybala. 

La machine se rode parfaitement. Sarri aligne tout au long de l’exercice son 4-3-3 avec une ligne défensive très haute et son milieu à trois, composé d’une pointe basse derrière deux milieux relayeurs chargés d’animer le front de l’attaque. L’entraîneur campanien demande à ses joueurs d’exercer un pressing ultra agressif tout au long des matchs. Offensivement, il demande à ses joueurs de chercher constamment la verticalité, de combiner dans les petits espaces, de garder le contrôle du ballon sans tomber dans le ronronnement et de chercher constamment la profondeur.
En somme, Maurizio Sarri attend de ses hommes un contrôle constant du cuir, un jeu fait de verticalité et de combinaisons entre les attaquants. Et la méthode Sarri, déjà appelée « Sarriball », porte ses fruits. Naples finit la saison avec la deuxième meilleure attaque et défense du championnat, ainsi qu’à la deuxième place du classement derrière la Juventus, avec 19 points glanés de plus que la saison précédente sous Benitez. 

Le plus grand coup de maître de sa carrière

La saison suivante démarre donc avec des incertitudes liées au départ de Gonzalo Higuain à la Juventus. Mais Maurizio Sarri ne cède pas à la panique, bien au contraire. Il réalise alors le plus grand coup de maître de sa carrière en réinventant le Belge Dries Mertens, présent à Naples depuis 2013 sans être convaincant, en tant que faux numéro 9. Avec Mertens, le jeu de position ultra vertical prôné par Sarri sera encore plus impressionnant. Le trio Insigne – Mertens – Callejon se trouve à merveille, le Belge boucle l’exercice avec 28 réalisations en Serie A et Naples déroule. 
Le Napoli termine meilleure attaque d’Italie et une des meilleures d’Europe, avec pas moins de 115 buts inscrits sur la saison toutes compétitions confondues. Un total ahurissant, qui ne permet cependant pas aux Partenopei de remporter un trophée. Un crève-cœur pour Maurizio Sarri, qui a pourtant permis à Naples d’améliorer encore son total de points, avec 86 unités récoltées en Serie A.

Malgré un jeu séduisant, Naples n’est jamais parvenu à remporter la Serie A avec Sarri. Photo : SSC Napoli

En 2017-2018, I Ciucciarelli repartent sur les mêmes bases et continuent d’impressionner. Le système de jeu de Maurizio Sarri fonctionne toujours à merveille et les Partenopei imposent un rythme effréné à leurs adversaires. Malgré le jeu toujours aussi flamboyant et un total de points encore amélioré, passé cette fois-ci à 91, Naples termine à nouveau deuxième et s’incline encore une fois devant la Juventus.
Sur la scène européenne, le SSC Napoli ne s’extirpe pas de son groupe en Ligue des Champions et est déversé en Ligue Europa. En C3, les protégés de Sarri échouent en seizièmes de finale face au RB Leipzig. Le Vieux-Continent ne réussit pas à Sarri au pied du Vésuve.

Sur le toit de l’Europe !

Lors de l’été 2018, Chelsea sent que le cycle de Sarri à Naples arrive à sa fin et flaire le bon coup. Le 14 juillet 2018, Sarri est nommé entraîneur principal des Blues et remplace alors son compatriote Antonio Conte, limogé la veille. À Londres, Maurizio Sarri n’hésite pas à bousculer les cadres du vestiaire et à mettre en place sa propre hiérarchie dans le vestiaire, à l’image du remaniement qu’il entreprend au milieu de terrain. Dans son fidèle 4-3-3, il place Jorginho, qu’il a pris avec lui depuis Naples, en pointe basse et place N’Golo Kanté en milieu relayeur. En Premier League et en Ligue Europa, Chelsea troque son costume d’équipe défensive, portée lors du passage d’Antonio Conte entre 2016 et 2018, contre celui d’une équipe bien plus offensive, qui reprend les bases du Napoli et de son « Sarriball ».
Verticalité constante, jeu de position, combinaisons, pressing frénétique : tous ces ingrédients conduisent les Blues vers une superbe troisième place en championnat, derrière les inarrêtables Manchester City et Liverpool. Maurizio Sarri glanera même le premier trophée de sa carrière, après le sacre lors d’une leçon de football face à Arsenal en finale de Ligue Europa (4-1).

À Chelsea, Sarri impose sa vision offensive du football et remporte la Ligue Europa. Photo : Chelsea FC

En somme, Maurizio Sarri a imposé sa vision du football et a remporté un premier trophée majeur. Et ce, avec un effectif assez limité comparé aux autres cadors de Premier League. À ce moment précis, l’avenir s’annonce radieux pour Chelsea, porté par un coach qui possède les pleins pouvoirs sur le mercato et qui a l’intégrale confiance de ses dirigeants. Sauf que l’été 2019 apportera son lot de complications.

Un retour dans la botte plus compliqué que prévu

Frappé par le mal du pays, Maurizio Sarri décide de céder aux avances de la Juventus Turin, qui lui propose un contrat de trois ans. Il accepte sans hésiter et décide donc de fermer précocement la parenthèse anglaise de sa carrière. Son aventure dans le Piémont ne sera que de courte durée. Malgré un titre de champion d’Italie remporté de justesse face à l’Inter Milan, Maurizio Sarri est écarté de ses fonctions en fin de saison. Le jeu peu attrayant et l’élimination précoce face à l’Olympique Lyonnais en huitièmes de finale de Ligue des Champions ont eu raison de sa place sur le banc de la Vieille Dame. Après une année sabbatique, le coach italien fait son retour sur les bancs en 2021 et s’engage dans la capitale italienne, avec la Lazio de Rome. 

À quoi s’attendre pour son futur ?

Après une première saison plutôt mitigée, terminée à la cinquième place derrière l’AC Milan, son rival historique de l’Inter, la Juve et Naples, Maurizio Sarri conduit les siens vers une très séduisante deuxième place l’exercice suivant, derrière l’intraitable Napoli. Cette saison, les choses se sont compliquées pour les Biancocelesti, qui rencontrent quelques difficultés en championnat, où ils ne sont que huitièmes, à 23 points du leader interiste. En fin de contrat au mois de juin, il est donc de moins en moins probable que Monsieur 33 prolonge avec la Lazio. Doit-on s’attendre à un énième rebond inattendu de la part de Sarri, qui a habitué les observateurs à prendre des décisions étonnantes tout au long de sa carrière hors du commun ?

De la plus vieille banque du monde aux sommets du football européen, de joueur maladroit à entraîneur réputé pour avoir pratiqué un jeu sexy et flamboyant, Maurizio Sarri peut se vanter de mener une carrière pour le moins originale. À la tête d’un Napoli irrésistible et d’un Chelsea champion d’Europe, Monsieur 33 n’a pas fait l’unanimité partout où il a exercé, mais il laissera derrière lui la trace d’un entraîneur respecté et admiré par ses congénères. N’est-ce pas justement la marque des meilleurs ?

Hugo Cammilleri

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