AS Roma : chamboulée, la Louve doit reprendre du poil de la bête

Sixième du championnat italien la saison passée et sortie en demi-finale de Ligue Europa, l’AS Roma repart de plus belle avec une ossature transformée. De nouvelles bases construites, en partie, par l’association entre Daniele De Rossi et Florent Ghisolfi, mais renversées par le licenciement du coach italien mardi 18 septembre. 

Cet été, la Louve a enregistré 12 arrivées au sein de son effectif. Photo : AS Roma

Comment retrouver la Ligue des champions après cinq ans d’absence ? Comment retrouver sa suprématie d’antan ? Celle qui faisait de l’AS Roma l’une des références italiennes dans le passé. Et qui, aujourd’hui, a péri, faute de cohérence sportive. Mine de rien, cette fameuse demi-finale de C1 contre Liverpool, en 2018, n’est pas si loin, diront certains. Ces mêmes supporters qui se rappellent, comme si c’était hier, du but libérateur de Kóstas Manolás en quart de finale de cette même édition de la Ligue des champions contre le FC Barcelone. Certes, dans les mémoires, ces souvenirs sont ancrés et ne demeurent pas si lointains. Mais voilà bien longtemps que l’AS Roma et a fortiori ses supporters espèrent revivre ces émotions. 

Une actualité bouillante, les cartes rebattues ?

Et ce n’est pas, non plus, le sacre en Ligue Europa Conférence en 2022 – premier trophée depuis 14 ans – qui a pleinement effacé une sorte d’amertume : celle d’observer l’Inter Milan jouir des louanges sur la scène internationale quand, dans le même temps, l’AS Roma reste au second plan, malgré sa victoire dans la plus petite des compétitions européennes dont l’enjeu sportif reste (encore) à démontrer.

L’évolution de l’AS Roma la saison passée, vue par les chroniqueurs de notre partenaire Box to Box.

Et ce n’est pas, non plus, l’arrivée de la légende Daniele De Rossi pour remplacer l’insatiable José Mourinho qui a ravivé la flamme. Mais ce changement à la tête de l’équipe devait au moins avoir le mérite de conduire la Louve vers un projet sportif ambitieux. C’était sans compter sur l’impatience des Friedkin, les propriétaires américains, dont la décision a été de limoger l’entraîneur italien ce mardi 18 septembre, après seulement quatre journées (dont une seule défaite, et trois matchs nuls). Son remplaçant Ivan Juric, ancien du Torino, rebat les cartes. Sans, pour autant, remettre en question le projet sportif, que nous allons longuement détailler par la suite. 

Ghisolfi à la rescousse de la Roma

Si le premier bouleversement institutionnel, à savoir l’arrivée de l’ancien capitaine romain sur le banc de son équipe de cœur (2000-2019), est un message fort de sens de la part des dirigeants, l’arrivée de Florent Ghisolfi ne l’est pas moins. L’ancien du RC Lens, du FC Lorient et de l’OGC Nice, entres autres, devenu un directeur sportif à l’image solide à l’étranger, a fait de la Roma un acteur majeur sur ce mercato d’été

Florent Ghisolfi AS ROMA
Arrivé en mai à l’AS Roma, le directeur sportif français a très vite fait parler sa patte sur le recrutement. Photo : AS Roma

Comme en Bretagne, comme dans le Pas-de-Calais et comme en Côte-d’Azur, il est celui qui a remis du sens à l’action. Ce que Tiago Pinto, son prédécesseur à ce poste stratégique, n’avait su faire que par parcimonie au côté de José Mourinho. Florent Ghisolfi, c’est aussi celui qui, par son carnet de contacts et sa connaissance assidue du foot européen, monte en un rien de temps une équipe cohérente. Le plus important, avant tout. 

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À l’aube de cette saison 2024-25, désormais lancée pour de bon, le nouveau directeur sportif avait pourtant une liste de missions toute aussi longue que complexe. La première d’entre elles, réduire la masse salariale conséquente de certains joueurs, parfois sous contrat de longues années. Au total, à l’issue du mercato européen, 13 départs ont été enregistrés. Parmi eux, plusieurs joueurs aux salaires démentiels : Lukaku et Abraham (fin de prêts), Rui Patricio et Spinazzola (fin de contrats), Aouar en direction de l’Arabie Saoudite ou Chris Smalling sur le gong. Le site Calcio & Finanza, qui estime et partage les masses salariales des footballeurs en Italie, établit un gain de 16 millions d’euros de masse salariale entre l’effectif de la saison précédente et l’actuel. 

Travail en interne et dossier Dybala

Tenus en étringue par des départs tardifs pour certains, illustrés par le feuilleton Paulo Dybala (voir par ailleurs) et toutes les contraintes financières que cela implique, les dirigeants de la Louve n’ont pas eu d’autres choix que de temporiser durant l’été. La période estivale avait pourtant débuté fort avec l’achat définitif d’Angeliño en provenance du RB Leipzig (1er juillet, après six mois de prêt) et la venue d’Enzo Le Fée du Stade Rennais – Ghisolfi l’avait côtoyé du côté de Lorient – pour 23 millions d’euros (10 juillet). 

Les semaines suivantes, plus calmes, ont pourtant été agitées en interne. Les principaux dossiers ont ensuite été bouclés, renforçant considérablement la Louve. De Matías Soulé (30 M€), joyau de la Juventus Turin, à Artem Dovbyk (30M€), sérial buteur du Girona FC, ces achats témoignent également de la nouvelle politique sportive du club. Un tournant porté, évidemment, par De Rossi, arrivé le 16 janvier 2024. « Je pense que nous allons dans la direction que je souhaitais. J’ai été soutenu dans ce que je demandais, déclarait-il en conférence de presse début septembre, dans des propos relayés par AmoRoma.fr. Pour moi, on a fait un meilleur mercato que l’Inter, paradoxalement. Mais l’Inter est plus forte que nous, ils partent d’un niveau plus élevé. »

Manu Koné AS Roma
Le milieu de terrain français, Manu Koné, 23 ans, est arrivé en provenance du Borussia Mönchengladbach pour 20 millions d’euros. Photo : AS Roma

Alexis Saelemaekers (prêt), Manu Koné (prêt avec obligation d’achat) et Saud Abdulhamid s’ajoutent, entre autres, à la liste importante d’arrivées dans la cité romaine. Un mercato auquel il faut louer le choix fort de Paulo Dybala de ne pas rejoindre l’Arabie Saoudite. Là-bas, une offre de 75 millions d’euros sur trois ans l’attendait. « Dans le monde du football ce n’est plus une chose courante », félicitait son ex-coach. 

Des solutions tactiques à (re)trouver

Avec cet effectif chamboulé, l’AS Roma de Daniel De Rossi doit désormais se réinventer. Ou plutôt, l’AS Roma d’Ivan Juric. D’abord, il faudra refonder un collectif très cosmopolite avec pas moins de 14 nationalités. Tactiquement aussi, tout est à refaire pour le Croate de 49 ans. Son homologue italien, prolongé jusqu’en 2027 et qui s’appuyait jusqu’à présent sur son traditionnel 4-3-3, n’avait pas encore trouvé la « recette magique » avec ce nouvel effectif. 

L’hypothèse d’une défense à trois défenseurs centraux avait longtemps été envisagée – d’où l’intérêt pour Kévin Danso, avant que le Lensois ne soit refoulé lors de la visite médicale -, l’option n’a pas été choisie lors des premières rencontres. Avec les arrivées de Mats Hummels et Mario Hermoso, libres de tout contrat, Ivan Juric, qui a dirigé sa première séance jeudi, pourrait bien être tenté par cette option. « Construire à trois, avec un latéral qui monte ou avec trois défenseurs centraux plus statiques, cela ne change pas grand-chose. On construit presque toujours à trois. Parfois trois plus deux, parfois en losange : cela varie », rembalait son prédécesseur en conférence de presse. 

L’émergence au sein du groupe de joueurs issus des catégories de jeunes, comme Niccolò Pisilli et João Costa, sera aussi une arme supplémentaire pour la Louve dans une saison où il faudra jongler entre le Scudetto et l’Europa League, près de deux ans après la finale perdue aux tirs au but contre le FC Séville. Il faudra, aussi, lancer pour de bon cette nouvelle saison après des débuts compliqués – dont un nul encourageant au Juventus Stadium (0-0) – et désormais un changement d’entraîneur.

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Un avenir proche encore incertain pour l’AS Roma

Ce début de saison mitigé, vite coupé par la première trêve internationale et surtout l’éviction de Daniele De Rossi, devrait a minima permettre aux Giallorossi de repartir du bon pied… enfin, d’essayer. Mais indéniablement, ces derniers mois agités laisseront des traces. Et ne feront pas oublier les quelque manques auxquels l’ancien joueur de Crotone et du Genoa (début des années 2000) devrait encore se confronter. 

Ivan Juric AS Roma
À 49 ans, Ivan Juric occupe les bancs de touche italiens depuis plus de dix ans. Photo : AS Roma

À commencer par le temps d’adaptation des nouveaux éléments, comme Artem Dovbyk, déjà la cible de plusieurs critiques chez les supporters romains. Le poste de latéral droit, où Zeki Çelik et Saud Abdulhamid devraient alterner, est sujet aux interrogations. La capacité athlétique du groupe reste également à prouver. D’autant que le style d’Ivan Juric a la particularité d’être très énergivore. Aussi, comment les cadres conservés cet été (Pellegrini, Mancini, Svilar, Dybala…) accueilleront ce changement soudain d’entraîneur ?

En bref, les semaines à venir seront décisives avec notamment le lancement de la C3 jeudi 26 septembre contre l’Athletic Bilbao. En revanche, d’ici le prochain grand test en Serie A, à savoir la réception de l’Inter Milan le 20 octobre, les Giallorossi ont encore du boulot devant eux. Mais gare à ne pas trop prendre son temps, car les Friedkin ont la gâchette facile. Quitte à se tirer une balle dans le pied, ruinant ainsi des mois de travail en interne.

Nathan Bigué

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