Le Valence CF, géant du football espagnol, pointe aujourd’hui à la dix-huitième place du championnat espagnol. Cette crise sportive reflète l’état de santé d’une institution blanquinegra gangrenée par un profond mal être. Le spectre de la relégation, tant redouté, ne serait que la conséquence logique d’une longue descente aux enfers.

Mai 2014. La Fondation du Valence CF officialise en conférence de presse la vente de 70.4 % des parts du club. C’est l’offre de Peter Lim, riche homme d’affaires singapourien, qui a été retenue, sous les conseils du président de la Ligue Javier Tebas.
Ce rachat est un véritable soulagement pour les supporters des Che. L’institution croule alors sous une dette colossale de 350 millions d’euros, contraignant le club de se séparer année après année de ses meilleurs joueurs. Il faut dire que Valence traîne encore et toujours les séquelles financières du projet de construction de son nouveau stade, le Nou Mestalla, débuté en 2006, mais jamais terminé en raison de l’explosion de la bulle immobilière.
La bouillante afición pense avoir trouvé son sauveur en la personne de Peter Lim, celui qui permettra au club de renouer avec son glorieux passé pas si lointain. Le richissime propriétaire l’assure d’ailleurs dès son arrivée : il va éponger la dette, bâtir une équipe compétitive et terminer la construction du stade. Neuf ans plus tard, force est de constater que seule la première promesse a été tenue. L’équipe méditerranéenne n’est plus que l’ombre d’elle-même, et le pire est peut-être à venir.
Le laboratoire à transferts de Mendes
Pour bien comprendre comment Valence en est arrivé à jouer les bas de tableau en Liga, il est nécessaire d’évoquer l’influence discutable qu’exerce un homme sur le club depuis le début de l’ère singapourienne : Jorge Mendes. Le célèbre agent de joueurs est un associé de longue date de Peter Lim. Il a notamment collaboré avec lui dans l’opération de rachat du club. Dès lors, sa proximité avec le propriétaire lui a permis de placer bon nombre de ses poulains au sein de l’institution valencienne. Au cours des premières années, de jolis noms font leur arrivée, tels que João Cancelo ou Enzo Pérez.

Ainsi, de manière informelle, le Portugais se met à dicter une grande partie des allées et venues à Valence. Mais au fil du temps, les transferts de Mendes apportent de moins en moins de satisfactions sportives. Le club est tributaire d’arrangements obscurs qui font grincer les dents des supporters. L’équipe première se retrouve aujourd’hui avec un effectif à peine taillé pour le ventre mou. Pour beaucoup d’observateurs, Jorge Mendes et Peter Lim n’utilisent le club que comme une plaque tournante de trading pour y faire leur propre business.
« Valence est devenu un club satellite de Mendes, explique François-Miguel Boudet, spécialiste de Valence. Des combines un peu étranges se font : on achète des joueurs à un prix, on le revend pour la même somme… Un exemple de cette drôle de gestion : en 2019, Valence recrute le latéral Thierry Correia au Sporting CP. Mais pour quel prix ? 12 millions d’euros. Et ce alors qu’il n’a qu’une poignée de matchs pro dans les jambes (Correia est alors valorisé à 400.000 euros, ndlr). Une somme énorme, qui s’explique simplement par le fait que Correia fait partie du portefeuille de Mendes. »
Copa del Rey, valse d’entraîneurs et méconnaissance

Pendant un temps, le club a pu se reposer sur le talent de trois hommes pour assurer des résultats sportifs : l’entraîneur Marcelino, le directeur sportif Mateu Alemany ainsi que Pablo Longoria, directeur technique en charge du recrutement. Mais en septembre 2019, Marcelino est démis de ses fonctions par la direction. Alemany et Longoria quittent à leur tour le navire dans les semaines qui suivent. La raison de ces départs ? Peter Lim n’a pas supporté que l’équipe remporte la Coupe d’Espagne. L’homme d’affaire avait explicitement demandé à son board de laisser tomber ce trophée, pas assez lucratif à son goût, pour plutôt se concentrer sur le championnat. Qu’importe si l’équipe est tout de même parvenue à terminer quatrième de Liga et à se qualifier pour la Ligue des champions, le propriétaire se montre intransigeant lorsque ses directives ne sont pas prises en compte.
Depuis, l’institution à la chauve souris s’effondre chaque année un peu plus. Si l’académie continue de sortir des joueurs de talents, le scouting est de piètre qualité et la direction refuse d’investir dans des gros transferts. Les entraîneurs défilent : depuis 2014, dix coachs différents ainsi que six intérims se sont succédé. Dans un contexte aussi catastrophique, difficile de ne pas fustiger la gestion sulfureuse des dirigeants. “Peter Lim a nommé des gens qualifiés pour le monde professionnel, mais incompétents pour travailler dans un club de football, détaille François-Miguel Boudet. Dans ce milieu, vous pouvez ne rien y connaître mais veiller à être bien entouré. Sous la direction actuelle, il n’y a actuellement aucune logique, aucune volonté de bien faire, ils s’en fichent du club et des fans.”
En guerre contre ses supporters

Le torchon brûle avec les supporters, furieux de voir leur belle Valence tomber aussi bas. Face aux vagues de haine reçues, le club a donc banni pendant un temps les commentaires de ses réseaux sociaux. Certains supporters vont jusqu’à manifester avec des pancartes au Mestalla, et la direction a même interdit l’entrée au stade à certains supporters ultras.
À 12 journées de la fin du championnat, Valence est au bord de la descente. Un sort qu’ont déjà connu d’autres grands clubs espagnols par le passé, comme Séville, le Real Bétis ou la Real Sociedad. Pour sauver le club de la relégation, les dirigeants nomment l’ancienne légende de Valence, Rubén Baraja, comme entraîneur. Mais les supporters des Che le savent : même s’ils se maintiennent cette année, le futur ne laisse présager rien de bon. En tout cas, pas tant que leur « sauveur » d’hier trônera à la tête de l’institution.